Félix Braz au sujet du référendum concernant la révision de la Constitution

"Que cela soit un grand acte démocratique"

Interview: Fabienne Armborst

Le Quotidien: Alors que les préparatifs du budget 2015 devaient figurer au centre de la réunion au château de Senningen, lundi dernier, lors du briefing, c'est finalement le référendum sur la révision de la Constitution qui s'est retrouvé sur le devant de la scène. Pourquoi avoir dévoilé le contenu des questions du référendum à cette date-là?

Félix Braz: Je suis surpris que l'on soit surpris. Cela fait des mois que l'on dit que l'ensemble des mesures seront dévoilées à la date du dépôt et de la présentation du budget 2015 au mois d'octobre. On fait exactement ce que l'on dit depuis des mois. À Senningen, on a abordé plusieurs sujets, dont celui des questions du référendum qui était prêt à être communiqué. Les questions proposées par la majorité parlementaire seront maintenant débattues dans la commission des Institutions et de la Révision constitutionnelle. Les autres groupes et sensibilités politiques de la Chambre ont été invités à formuler leurs propositions pour le 3 octobre. Sur base des questions proposées par la majorité parlementaire et par l'opposition, il y aura une discussion dans la commission pour arrêter la liste définitive des questions.

Le Quotidien: L'instrument du référendum n'est pas très utilisé au Luxembourg. Le dernier date de zoos; pour les autres, il faut remonter à 1937 et 1919. En 2015, l'électeur se retrouvera face à quatre questions. Cela ne fait pas un peu beaucoup d'un seul coup?

Félix Braz: Les questions qui seront posées sont celles qui occupent la commission des Institutions et de la Révision constitutionnelle depuis dix ans. La Constitution, c'est une matière où les différentes forces publiques doivent être capables de trouver des compromis entre elles. Et nous l'avons fait, au moins au sein des quatre groupes parlementaires sur pratiquement l'ensemble des questions. Mais il y a quelques points sur lesquels on n'a pas trouvé de compromis : la question de la relation entre l'État et les Églises, l'abaissement de l'âge de 18 à 16 ans pour être électeur et l'ouverture du droit de vote aux résidents non luxembourgeois. Cela fait dix ans que l'on discute sans trouver d'accord. Inutile de continuer à discuter pendant dix ans supplémentaires. Ces questions seront donc soumises à un référendum pour que les électrices et électeurs tranchent et pour que les groupes parlementaires puissent clôturer cette discussion.

Le Quotidien: Il y a toutefois une exception avec la question sur la limitation dans la durée des mandats ministériels...

Félix Braz: La question sur la limitation des mandats des ministres est une question un peu à part car elle n'a pas cet historique de débat au sein du Parlement. C'est une question qui est survenue pendant la campagne électorale des législatives d'octobre 2013. Elle mérite d'être formulée car elle se pose au niveau de la Constitution. Si l'on veut limiter le nombre de mandats, il faudrait que cette limitation soit elle aussi inscrite dans la Constitution.

Le Quotidien: À côté des questions sur l'ouverture du droit de vote aux étrangers et la relation État -Église, l'enjeu du droit de vote à 16 ans paraît moins important.

Félix Braz: Je ne pense pas. L'appréciation sur l'importance des différentes questions est variable; cela dépend de votre interlocuteur. Il n'y a pas d'unanimité sur le caractère plus ou moins important des différentes questions. En faveur du droit de vote à 16 ans, il y a deux arguments. Le Luxembourg a probablement l'électorat le plus âgé en Europe. Cela s'explique par le fait que la population active au Grand -Duché est à plus de 60 % non luxembourgeoise: les non -Luxembourgeois résidents et les frontaliers. Or cette frange de la population ne vote pas! Et le droit de vote à 16 ans n'est pas du tout quelque chose de révolutionnaire. Je tiens à rappeler que lors du référendum en Ecosse, tout le monde était admis au vote à partir de 16 ans. C'était également le cas récemment lors des élections dans le Land de Brandebourg, en Allemagne. Je pense qu'il y a là une proposition tout à fait pertinente pour le Luxembourg.

Le Quotidien: Dans cette logique figure également l'ouverture du droit de vote aux étrangers...

Félix Braz: C'est une question essentielle pour l'avenir du Luxembourg. Il est absolument pertinent et juste que nous posions cette question sur l'avenir de la démocratie au Luxembourg. La proposition des conditions faite par la majorité parlementaire (NDLR : résider depuis dix ans au Grand -Duché et avoir voté au moins une fois aux élections communales ou européennes) me semble tout à fait raisonnable. Il devrait être possible pour le CSV de soutenir cette proposition.

Le Quotidien: Quelle est votre réaction à la crainte de Claude Wiseler (CSV) de voir la population se diviser autour de la question de l'ouverture du droit de vote aux étrangers?

Félix Braz: Monsieur Wiseler indique à juste titre que cette question occupe une place importante dans le débat sur le référendum. Il exprime la crainte de voir se former un clivage de la population autour de cette question. Je pense que lui et son parti devront eux aussi assumer leurs responsabilités pour éviter qu'il y ait un clivage. Eviter un clivage n'est pas seulement la responsabilité d'une majorité parlementaire, le CSV aussi est responsable. Je pense que le CSV saura rejoindre les partis qui veulent un débat serein et mesuré sur cette question et qu'ils ne seront pas du côté de ceux qui veulent envenimer le débat.

Le Quotidien: Que se passera-t-il exactement après le référendum prévu en mai ou juin 2015?

Félix Braz: L'issue du référendum sera respectée. Le texte de révision de la Constitution sera complété sur base des décisions des électeurs. Ce texte sera soumis à un premier vote constitutionnel à la Chambre des députés. J'espère que tous les partis respecteront la décision des électeurs et électrices (NDLR : pour l'adoption du texte, les deux tiers des suffrages des membres de la Chambre des députés sont requis). Enfin, le deuxième vote constitutionnel sera remplacé par un deuxième référendum sur initiative de la majorité parlementaire. Nous souhaitons que cela soit un grand acte démocratique. La Constitution est le texte de tous et de toutes.

Le Quotidien: Quand peut-on s'attendre à voir le deuxième référendum?

Félix Braz: Le deuxième référendum ne se tiendra pas avant 2016: il faut d'abord tirer les conclusions du premier référendum, finaliser le texte de révision et procéder au premier vote constitutionnel.

Le Quotidien: Passons aux projets de réformes du droit pénal. Pouvez-vous revenir sur les principales pistes?

Félix Braz: Parmi les projets de réformes, les plus importants en matière pénale, figurent la réforme de l'exécution des peines et la création d'une administration pénitentiaire. Ce sont deux aspects de la réforme pénitentiaire. Un élément matériel essentiel de cette réforme est aussi la construction de la maison d'arrêt Uerschterhaff sur la commune de Sanem. Le projet a été voté cette année, en juillet. La maison d'arrêt sera en principe réservée aux détenus en détention préventive. Avec cette nouvelle prison, il y aura interaction entre Uerschterhaff, le centre pénitentiaire de Schrassig destiné à l'emprisonnement et celui semi-ouvert de Givenich qui accueille les prisonniers présentant des perspectives encourageantes en fin de peine. Une troisième piste importante est un débat sur les sanctions alternatives à la peine de privation de liberté.

Le Quotidien: C'est-à-dire?

Félix Braz: Est-ce que la peine de privation de liberté est toujours la meilleure sanction? La réponse est probablement non. Y a-t-il des sanctions alternatives? Est-ce que celles que nous connaissons aujourd'hui sont suffisantes? Est-ce que l'on devrait éventuellement rallonger cette liste? On peut prévoir des solutions alternatives dans les codes et espérer qu'elles seront plus utilisées. Mais la sanction pénale restera toujours la décision du juge. Ce n'est pas au ministre de dire quelles peines doivent être prononcées.

Le Quotidien: Le droit des victimes figure aussi dans la procédure de réforme...

Félix Braz: Si l'on discute d'une meilleure réinsertion sociale des détenus, il faut aussi réfléchir au droit des victimes. Il y a une directive européenne Victimes qui doit être transposée d'ici à 2017 en droit national. Nous y travaillons activement.

Le Quotidien: Le jugement sur accord pénal est la cinquième piste sur laquelle vous travaillez. À quoi faut-il s'attendre?

Félix Braz: Le jugement sur accord pénal devra permettre d'obtenir des décisions de justice plus rapidement. Ce qui est finalement dans l'intérêt de tous. Le barreau de Luxembourg a participé activement à la rédaction de ce texte et à sa présentation devant la commission parlementaire juridique. Ce n'est pas seulement un instrument à la disposition du parquet ou de la magistrature, c'est également dans l'intérêt des personnes soupçonnées, des accusés : ils peuvent obtenir un jugement auquel ils ont participé et qu'ils auront donc plus tendance à admettre.

Le Quotidien: Qu'en est-il de la transposition des directives européennes?

Félix Braz: Les trois directives appelées communément directives ABC passeront au, Conseil de gouvernement sous forme d'avant-projet de loi, probablement encore au cours du mois d'octobre. La directive A porte sur le droit des prévenus à une traduction des documents et une interprétation pendant les entretiens. Cette directive aurait déjà dû être transposée, le Luxembourg a déjà été mis en demeure par la Commission européenne... La mesure B porte sur l'accès au dossier. À l'avenir, il sera pratiquement immédiat, alors qu'aujourd'hui ce n'est pas le cas. Enfin, la mesure C traite du droit d'accès à l'avocat. Dans la pratique, nous avons déjà beaucoup de choses qui sont dans la ligne de ces trois directives. Ce ne sera donc pas une nouveauté intégrale au Luxembourg.

Le Quotidien: Comment se passe le travail des verts au sein du gouvernement?

Félix Braz: Les verts font partie d'une équipe. Je ne .vais pas commenter séparément telle ou telle composante. J'ai vraiment l'impression qu'on fournit un travail d'équipe au sein de ce gouvernement. Ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé: on avait souvent l'impression que les partis qui formaient la coalition s'observaient en chien de faïence et que l'unité gouvernementale n'était pas toujours au mieux. Pour notre gouvernement, je peux vous confirmer le contraire. Comme mes collègues verts, je me sens responsable de toutes les décisions prises par le gouvernement en Conseil.

 

 

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