Félix Braz au sujet des futurs référendums et le code de déontologie

"La Loi fondamentale appartient au peuple"

Interview: Maurice Magar

Le Jeudi: Que vous inspire la discussion sur les fameux "tiroirs"?

Félix Braz: Si certains affirment qu'il y avait beaucoup de dossiers dans les tiroirs, il s'agit d'en apprécier la qualité. Je vous assure qu'elle n'était pas au rendez-vous dans tous les ministères... Il s'agit d'une rengaine du CSV. C'est du bluff. D'ailleurs, j'estime que le courage politique manquait souvent pour mener tel ou tel projet à bout. Voilà pourquoi il y avait autant de dossiers dans les tiroirs. C'est la coalition actuelle qui a eu le courage de les mener à bout.

Le Jeudi: Le code de déontologie a suscité quelques critiques. Surtout parce que vous avez opté pour un règlement grand-ducal.

Félix Braz: Personne n'a encore su me dire pourquoi un règlement serait moins bien qu'une Loi.

Le Jeudi: Peut-être parce qu'un règlement grand-ducal n'est pas débattu à la Chambre?

Félix Braz: Cela le rend-il juridiquement moins contraignant? Non, évidemment... Le projet a été adopté par le conseil de gouvernement, il sera soumis au Conseil d'Etat et ensuite nous en discuterons avec les députés qui en ont fait la demande. Le projet a été avisé par Transparency International Luxembourg qui n'a vu aucun inconvénient sur la question du règlement grand-ducal. Qu'il s'agisse d'une loi ou d'un règlement, cela ne change rien au caractère juridiquement contraignant du texte. On a le droit de procéder ainsi si une base légale existe. Cette base, ce sont les articles du code civil sur la responsabilité civile et les dispositions constitutionnelles sur l'organisation du gouvernement. La critique repose sur un pseudo argument d'une certaine malhonnêteté intellectuelle. C'est de l'enfumage. C'est ce gouvernement qui a créé un code juridiquement contraignant. Les anciens membres du gouvernement sont mal placés pour nous faire la leçon.

Le Jeudi: Vous soumettrez la question du droit de vote des étrangers à un référendum. Ne craignez-vous pas un risque de division?

Félix Braz: C'est la Chambre qui est en charge du dossier. Mais, si ce risque existe, cela veut-il dire que rien ne doit changer? Nous aurons bientôt la situation où la moitié de nos résidents ne peuvent pas participer aux élections législatives. C'est pratiquement unique au monde. Nous vivons une situation semblable à celle de 1919. Sauf qu'aujourd'hui ce n'est pas le sexe ou la situation fiscale qui exclut, mais le passeport. Ce gouvernement estime que les étrangers devraient pouvoir aller voter si certaines conditions de résidence sont remplies. Je précise, il ne s'agit que du droit de vote actif. Celui qui veut être élu doit obtenir la nationalité.

Le Jeudi: Outre le droit de vote, d'autres questions seront posées...

Félix Braz: Cela fait dix ans que la commission des Institutions discute sur une réforme de la Loi fondamentale. Initialement, il s'agissait d'un toilettage du texte, mais rapidement nous nous sommes rendu compte qu'il est suranné. A l'intérieur de la commission, nous avons toujours essayé de procéder par consensus. Et c'était nécessaire parce que la Constitution est une matière réservée à la Chambre et non au gouvernement, elle est le législateur constituant. La Loi fondamentale appartient au peuple et pas seulement à la majorité ou au gouvernement. Nous avons réussi à nous mettre d'accord sur pratiquement toutes les questions, à part sur trois ou quatre sujets.

Le Jeudi: Les sujets qui seront décidés par référendum?

Félix Braz: Ce sont des questions importantes pour les différentes sensibilités politiques. Sur la question du financement des cultes, le CSV estimait toujours qu'il ne fallait rien changer ou trop peu. Sur le droit de vote des étrangers tout le monde était d'accord, mais pas sur la manière dont il fallait augmenter la participation démocratique. La dernière question portait sur le droit de vote à partir de seize ans. Cela veut dire que nous n'avons pas inventé ces questions. L'absence de consensus empêchait de moderniser la Constitution. Il y avait dès lors deux options: continuer à se disputer ou laisser le citoyen trancher. Les sujets sur lesquels nous étions d'accord sont d'ailleurs prêts à être adoptés.

Le Jeudi: Qu'en est-il de la limitation des mandats?

Félix Braz: Cette question s'est rajoutée à la fin des discussions et elle peut également avoir un caractère constitutionnel, voilà pourquoi nous avons décidé de l'intégrer dans le référendum.

Le Jeudi: Qu'en est-il de la volonté politique du gouvernement en ce qui concerne ces questions?

Félix Braz: Bien sûr que le gouvernement va se prononcer, mais maintenant les députés doivent élaborer les questions. Ensuite, ils doivent plancher sur une loi pour ce référendum. Le gouvernement fera tout pour rendre le débat et l'organisation de cette consultation possibles. Il n'engage d'ailleurs pas sa responsabilité parce qu'il ne s'agit pas d'un projet du gouvernement. C'est un acte démocratique en vue de la révision de la Loi fondamentale. Cette majorité ne crée que le cadre qui permet aux citoyens de s'exprimer. Il est acquis que les députés de la majorité accepteront le verdict des électeurs. J'espère que les autres parlementaires en feront autant.

Le Jeudi: Et dans le cas où ce verdict ne dégage pas une majorité claire?

Félix Braz: La règle du jeu, c'est que la majorité remporte. C'est une des raisons qui font que je ne suis pas toujours un adepte du référendum. Dans ce cas-ci, je pense toutefois que c'est la seule solution. J'ai été le premier, en tant qu'ancien membre de la commission des Institutions, à proposer une consultation. La révision du texte a pris une telle ampleur, qu'on peut dire qu'il s'agit d'une nouvelle Constitution. Cela dépasse donc la compétence des seuls députés. Un référendum ne donne pas la possibilité de trouver un compromis, le consensus étant l'apanage de la démocratie parlementaire. Un référendum, c'est oui ou non, dans ce cas une majorité de 50,1% suffit. J'espère évidemment qu'elle sera plus large.

Le Jeudi: Quelle importance auront les débats que vous souhaitez organiser autour du référendum?

Félix Braz: Il faut d'abord que les questions posées ne soient pas suggestives, mais neutres, factuelles et précises. C'est un travail que la Chambre doit accomplir. Avant qu'il y ait un débat, il faut que les informations soient disponibles. Un débat ne peut avoir lieu qu'entre des gens bien renseignés. Nous devons réussir à faire parvenir les informations de manière aisée et précise. Le débat ne se limite pas à la Chambre, au gouvernement et aux citoyens. Ces sujets doivent être discutés par tous les acteurs de notre société. La presse jouera un rôle important, elle doit être l'une des plates-formes des discussions. Mais aussi les ONG. Les citoyens doivent parler entre eux. D'ailleurs, les quatre -ou cinq questions ne doivent être que les vecteurs d'une discussion plus large sur toute la Constitution dont l'approbation sera soumise lors d'un second référendum en 2016.

Le Jeudi: Un éventuel 'rejet des réformes serait-il un coup dur pour ce gouvernement qui revendique le renouveau?

Félix Braz: Ce serait une dégradation de la Constitution si l'on réduisait le vote à un plébiscite de la majorité ou de son gouvernement. C'est inapproprié. Ce ne serait pas un coup dur. Ce serait un échec pour tous les partis qui ont travaillé sur le texte depuis dix ans, car il faut faire évoluer cette ancienne Constitution surannée.

Le Jeudi: Que préparez-vous pour la rentrée?

Félix Braz: Je pense que la commission juridique s'occupera d'abord de l'interruption volontaire de la grossesse. En automne ou en hiver, j'espère pouvoir déposer le projet de loi sur la nationalité, un premier jet de l'avant-projet est d'ailleurs rédigé et cela avance bien.

Dernière mise à jour